Radio-Canada : entretiens : notes (version française)

(bilingue, probablement au sens belge de “bilingue dans les deux langues”)

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AVERTISSEMENT : ce ne sont que des notes. Ceci n’est ni un article ni une dissertation, et même pas un écrit plus souple s’inspirant de l’essai montaignien (ma forme littéraire préférée, du moins en non-fiction).

REMISE À JOUR / UPDATE : English version done, here.
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comment j’ai vécu les révélations de cet automne :

= parcours historique ; mettre le point sur ce qu’ont fait les étudiants directement eux-mêmes, que nous sommes là pour les soutenir, pour travailler avec eux.

Mars 2015 :

Novembre 2015 :

Décembre 2015 :

Janvier 2016 :

oOo

qu’est-ce que j’ai signé ?

 

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pourquoi j’ai signé cette lettre :

Je l’ai signée en tant que femme, être humain, et prof. C’est une question d’humanisme et de solidarité: cela me paraît évident et naturel.

Ce que je fais déjà ou que je devrais faire : mon travail comme enseignante,  coordinatrice de cours + service de conseil du dept et en formant nos TA:  j’ai déjà travaillé avec des victimes (de plusieurs types) & je vois beaucoup d’étudiants, tous les jours. Quelquefois tard parce qu’ils avaient peur de parler avec qui que ce soit ; et être figé dans le peur, gelé, c’est une réaction très fréquente au traumatisme.

Ce que j’aurais dû faire et que je devrais faire à l’avenir : attention aux autres, pour les autres

C’était important que cette déclaration vienne des profs, en tant que profs : nous sommes les gens de UBC que les étudiants voient le plus souvent, au moins trois fois par semaine pendant les cours. Nous sommes leur premier point de contact avec L’Université, en majuscules.

Soyons attentifs, en tant que profs responsables, tout comme nous le sommes en ce qui concerne le travail intellectuel. C’est là que nous avons échoué et que nous devons changer: avec nos propres étudiants et avec tout étudiant que nous voyons sur le campus qui a l’air malheureux. Tout comme on a une obligation humaine de secourir un passant en détresse. J’ai probablement croisé des victimes maintes fois sans le savoir. Y compris les victîmes dont parlent les nouvelles de 2015.

Culpabilité : rappel que nous venons récemment de célébrer l’anniversaire de la mort d’Albert Camus. Ses idées sur la responsabilité ne sont pas simplement des idées abstraites, du matériel sec qu’on inflige aux pauvres étudiants dans leurs cours. Non, c’est du vivant, du réel. J’ai signé–c’était autour du 4 janvier–en pensant à Camus. En responsabilité, en solidarité, et pour renforcer ce lien entre l’enseignement et notre vie intellectuelle, et la vie courante, de tous et pour tous.

J’ai honte de ce que mon université a fait, n’a pas fait, et a dit. Je veux m’en dissocier tout en rassurant tout étudiant que ça, ce n’est pas UBC, ou ce n’est pas la seule UBC.

Donc : communauté, responsabilité réciproque, s’entre-aider

En pensant à ce qui s’est passé ailleurs: par exemple, je vous recommande de lire ce qu’à écrit Sara Ahmed à propos de l’harcèlement sexuel à Goldsmiths (Université de Londres). Ce qui m’a frappé c’était deux points en commun avec notre situation, et avec la situation de nos victimes :

We need to talk about sexual harassment here. And by here I mean here: at Goldsmiths, in universities, in the UK. Not there: over there; but here. Too often: sexual harassment is understood as somebody else’s problem. Or if it is recognised as a problem that problem is located in the body of a harasser, a rogue, whose removal is assumed to remove the problem. The problem remains.

We learn so much from this example. We learn: you can change policy without changing practice; changing policy can even be a way of not changing practice. We learn too: the director of human resources did not need to take the decision out of the minutes for that decision not to bring something into effect. I have called this dynamic “non-performativity,” when naming something does not bring something about or even when something can be named in order not to bring something about.

On a besoin d’agir, en pratique. À mon avis, cela fait aussi partie de mon contrat de travail dans la rubrique “service.” Le service, ce n’est pas simplement qu’on fasse partie de comités et qu’on assiste à des réunions. Ces comités sont censé faire quelque chose d’utile et de pertinent, pour le bien de tous. Souvent, ils le font ; mais le “service” va bien au-delà, c’est aussi le service à / pour notre communauté.

Soulignons un positif : il y a déjà beaucoup de BIEN qui se fait à UBC.

Mes collègues, qu’ils aient signé cette lettre ouverte ou non, font le même travail que moi avec les étudiants.

Les conseillers dans les départements–comme mon excellent collègue MOH–font un travail extraordinaire et héroïque de soutient.

Les conseillers dans les facultés, comme Arts Academic Advising : des saints.

Access and Diversity.

Counselling.

The Green Folder.

Et, je le rapelle, Early Alert.

Nous, on s’y exerce déjà, et on travaille déjà ensemble en communauté coopérative.

“This Is The Real UBC.”

Voici ci qui est DÉJÀ EN PLACE :

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Le problème, c’est ce qui se passe ensuite, ce qui comprend des aspects légaux et politiques qui sont au-delà de mes compétences et de mes connaissances. C’est ici qu’on a besoin de travailler avec les collègues dans la faculté de droit.

Voici un exposé clair et court écrit par un collègue (et co-signataire de la lettre du 6 janvier) cet après-midi :

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oOo

ce qui permettrait de mieux prévenir et faire face à ces cas de harcèlement sexuel :

  1. focus on positives, community, faculty-student relations (and that we are the university, together, and a collegial collegium)
  2. direct action for and with students
  3. basic humanity and humanism with Renaissance references ex What Would Montaigne Write (and maybe even Do)
  4. working with others, not in competition–OK, thus also as a cooperative anarcho-syndicalist colletive, and as a plain simple COMMUNITY (irrespective of political colour) against the neoliberal commodified post-universitas–like Early Alert, for nipping things in the bud early. And just plain keeping our eyes and ears open, remembering we’re humans surrounded by other humans.
  5. what to do next and to prevent sexual harassment? policies??
    Several things are happening next.
    A group of faculty are meeting with the Equity & Inclusion folks to plan next steps together, there’s a UBC-based podcast in the works (hosted by Alejandra Bronfman and Carla Nappi),
    several faculty are working together to pool related resources
    the Faculty Association
    Early Alert : beaucoup de profs l’utilisent, c’est très utile, on devrait l’utiliser plus tôt et plus souvent, c’est déjà là. Donc: continuer ce qu’on fait déjà, et essayer de combattre la mentalité de silo, le compartimentage. “Entreprise cloisonnée” vs. “entreprise communicante”.
  6. Direct action. Teach-ins (more productive, in my own experience both as a student and an instructor, than walk-outs ; any decent walk-out turns into a walking-teach-out anyway…).

on verra ce qu’on verra du côté politique ; l’important c’est qu’on a déjà des outils pratiques en place, dont les plus importants sont des êtres humains qui peuvent agir maintenant, directement.

Avenir:

se parler directement, ouvertement

discutant équitablement, entre paires ; plutôt qu’avec de grands discours, des déclarations d’en haut des monologues ; ou encore des dialogues contrôlés qui supposent toujours qu’il y ait deux côtés, deux partis pris, le “nous” et “les autres.” C’est là qu’on a besoin de véritables conversations ouvertes, plurielles, avec une diversité de voix.

éducation, rééducation, rape culture: dans les salles de classe, en tables rondes

première étape: que nos étudiants–comme tout autre collègue–sachent qu’ils peuvent en parler avec nous, que nous écouterons, nous leur prendrons au sérieux et que nous essayerons de notre mieux de les aider.

deuxième étape: qu’on en parle, à pied d’égalité, en adultes intelligents, dans des discussions intelligentes et intellectuelles, dans les cours. Cela fait partie de la formation universitaire, de citoyens qui pensent, qui demandent des questions, qui discutent ouvertement.

renforcer cette communauté universitaire–comme une famille, des amis, un réseau social serré et sociable–plutôt que de marginaliser, tenir à distance, renvoyer quelqu’un ailleurs. Ceci dit, nous ne sommez pas des professionnels compétents en thérapie; mais nous les profs, nous sommes les gens de la fac que les étudiants voient le plus, contact; qu’on agisse directement pour aider. Si un étudiant vient me voir, je l’aiderai autant que possible ; je le soutiendrai ; je viendrai avec lui ou avec elle, lui tenant la main, s’il a besoin de voir d’autres gens de l’université (qui sont, je le rappelle, le plus souvent des inconnus ce qui peut être traumatisant). Il faut être solidaire et le montrer en action, par nos actes. Jean de Meun: les œuvres pardurables, les actions.

UBC ce n’est pas une marque, des pubs, un produit à vendre. C’est une université. Voilà quelque chose que les gens ne voient pas assez souvent ni assez clairement ; UBC c’est une réalité concrète, vécue, vivante, une communauté humaine qui travaille ensemble dans le monde des idées et du savoir. C’est un message important à communiquer aux étudiants, aux futurs étudiants, à leurs parents. La devise de UBC est “tuum est”, “c’est à toi” : ces événements sont une opportunité pour cette université, qu’elle se rappelle de son histoire et de ses racines pendant cette année centenaire. En travaillant ensemble, on pourrait devenir une nouvelle sorte d’université pour le 21e siècle : une communauté humaine et intellectuelle, attirante aux étudiants, aux futurs étudiants, et à leurs parent parce que nous unissons une grande université et ce côté plus petit, plus intime, humain, ouvert, de soutien.

Ce qu’on peut faire à l’avenir contre l’harcèlement ?

Nous rappeler que nous sommes une communauté coopérative de profs, d’étudiants, et de collègues dans les services de soutien ; se souvenir de l’histoire de l’université, de ses débuts comme confrérie médiévale. et le vivre, attentivement, tous les jours.

Travailler entre nous et avec d’autres organisations associées à cette communauté : les syndicats, des groupes d’intérêt, les médias tels le Ubyssey, le journal estudiantin. Nous sommes une petite république au bord de la falaise de Point Grey; agissons ensemble de sorte, dans le bien commun, la res publica.

Cela fait partie intégrale d’une éducation
humaniste :
médiévisme: unif, confrères étudiants / profs
communauté intellectuelle idéaliste: Rabelais, Thélème; Christine de Pisan, Cité des dames; discuter et débattre: Décaméron, Heptaméron, jeux-partis médiévaux en OC et FR.

Voici quelques suggestions de mes étudiants du FREN 215 aujourd’hui (et merci encore, chers étudiants !) dans notre première Table Ronde du trimestre :

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Ce dont on a parlé c’était surtout ces questions de consentement : comment changer le “rape culture”, car mieux vaut prévenir que guérir. C’était curieux par exemple que les sororités sont obligés de participer à des communications et à des colloques à propos du consentement… mais les fraternités n’y sont pas présents !

Une dernière proposition, inspirée des rapports formels sur mon département et sur la faculté des arts : avoir une requisition de langue (“language requirement”) c’est très bien, mais pourquoi ne pas avoir un “requirement” d’ouverture d’esprit culturel et, surtout, envers la culture autochtone d’ici, une interprétation du slogan “UBC: From Here”? Et y ajouter du travail obligatoire, à faire pendant le première année d’études ou l’été avant l’inscription, en éthique appliquée, pratique. Comment être un bon concitoyen. Repenser le but d’une éducation universitaire : ce n’est pas simplement de faciliter l’accès à un “meilleur” emploi, mieux rémunéré, où on est plus productif, afin de soutenir l’économie ; c’est de devenir un meilleur être humain, de contribuer à sa communauté, à son pays, à la civilisation, à l’humanité. Un bon début : Penser avant d’agir (ou, encore, de parler). Tenir compte des conséquences de nos actions.

Mettons ces deux choses ensemble : ce que nous vivons, cette affaire qui est pour le moment à la une, ce n’est pas juste une question du statut de la femme, ni juste une question féministe et/ou pour les femmes. Nous savons tous que beaucoup de femmes n’iraient jamais à la police, ne feraient jamais aucun rapport d’une aggression, parce qu’elles sont autochtones. Nous vivons une grande tragédie ici en Colombie-Britannique, et au Canada, celle des femmes et des filles disparues, violées, tuées. Ce qui se passe maintenant, c’est un élément d’une injustice générale. “Intersectional social justice.”

Ce qu’on devrait faire ? Se comporter comme des êtres humains, dignes, à la Montaigne et Rousseau. Traiter les autres comme des êtres humains et nos égaux. S’attendre à ce que les autres en fassent de même : y compris l’administration d’une université. “The Suits”, “The Corpses”, ils sont eux aussi des êtres humains : qu’on s’en souvienne, qu’on le leur rappelle, et qu’on ait les mêmes attentes d’eux qu’on a des collègues et des amis. On a souvent l’impression d’un “nous” et puis “les autres” ; qu’on acceuille L’Administration dans le “nous” dans un esprit d’hospitalité qui doit s’étendre à eux comme à tout autre être humain.

Concluons :
liberté, égalité, fraternité
respect et mutualité
coopération collective
communauté.

Pourquoi signer ? Pourquoi s’exprimer ? Pourquoi faire un appel aux actes ? Parce que le contraire, c’est le silence. Et le silence, c’est le contraire de tout ce qu’on devrait faire et être.

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